Liberté
Sur mes cahiers d'écolier
Sur mon pupitre et les arbres Sur le sable de neige J'écris ton nom Sur toutes les pages lues Sur toutes les pages blanches Pierre sang papier ou cendre J'écris ton nom Sur les images dorées Sur les armes des guerriers Sur la couronne des rois J'écris ton nom Sur la jungle et le désert Sur les nids sur les genêts Sur l'écho de mon enfance J'écris ton nom Sur les merveilles des nuits Sur le pain blanc des journées Sur les saisons fiancées J'écris ton nom Sur tous mes chiffons d'azur Sur l'étang soleil moisi Sur le lac lune vivante J'écris ton nom Sur les champs sur l'horizon Sur les ailes des oiseaux Et sur le moulin des ombres J'écris ton nom Sur chaque bouffées d'aurore Sur la mer sur les bateaux Sur la montagne démente J'écris ton nom Sur la mousse des nuages Sur les sueurs de l'orage Sur la pluie épaisse et fade J'écris ton nom Sur les formes scintillantes Sur les cloches des couleurs Sur la vérité physique J'écris ton nom Sur les sentiers éveillés Sur les routes déployées Sur les places qui débordent J'écris ton nom Sur la lampe qui s'allume Sur la lampe qui s'éteint Sur mes raisons réunies J'écris ton nom Sur le fruit coupé en deux Du miroir et de ma chambre Sur mon lit coquille vide J'écris ton nom Sur mon chien gourmand et tendre Sur ses oreilles dressées Sur sa patte maladroite J'écris ton nom Sur le tremplin de ma porte Sur les objets familiers Sur le flot du feu béni J'écris ton nom Sur toute chair accordée Sur le front de mes amis Sur chaque main qui se tend J'écris ton nom Sur la vitre des surprises Sur les lèvres attendries Bien au-dessus du silence J'écris ton nom Sur mes refuges détruits Sur mes phares écroulés Sur les murs de mon ennui J'écris ton nom Sur l'absence sans désir Sur la solitude nue Sur les marches de la mort J'écris ton nom Sur la santé revenue Sur le risque disparu Sur l'espoir sans souvenir J'écris ton nom Et par le pouvoir d'un mot Je recommence ma vie Je suis né pour te connaître Pour te nommer Liberté. Paul Eluard |
Le poème est une ode à la liberté. Il est fait avec 21 strophes composées chacune de trois vers de 7 syllabes (heptasyllabes). Les mètres impairs sont assez rares. Un vers final conclut le poème en un seul mot qui est aussi le titre du poème: « Liberté ». C'est une des valeurs les plus importantes défendues par les résistants. C'est souvent le but de leur combat. Les rimes n'ont pas de formation spécifique mais le poète utilise parfois des assonances pour mettre en relation deux mots comme « éveillés » et « déployés ».
Les vers commencent tous pas « sur » et « j'écris ton nom » se répète à la fin de chaque strophe. Ce texte frappe la mémoire par les répétitions. L'auteur veut qu'il puisse être mémorisé facilement par les résistants. Il écrit le mot « liberté » sur tous les supports possibles dans le monde car les mots écrits ont plus de force que les mots prononcés à l'oral et l'auteur veut montrer l'importance qu'il donne à la liberté en écrivant son nom partout pour qu'il y reste gravé. Dans la strophe 13, le second vers ne commence pas par « sur » mais par « Du miroir et de ma chambre »: cela exprime un arrêt net de la répétition comme la guerre va marquer un arrêt net à la liberté dans la vie des Français. Dans la strophe 21 aucun vers ne respecte cette règle. Grâce à l'avant dernière strophe et à la dernière, on pourrait recommencer le poème du début, sans fin car la liberté est une conquête permanente. Le poème est dans l'ordre chronologique de la vie d'un homme ou plutôt de la vie du poète. « Je » désigne le poète puis le lecteur qui se reconnaît aux faits énoncés de son enfance à sa vie d'adulte. Le poète fait une opposition entre le monde extérieur (champ lexical de la nature) et le monde intérieur. Il oppose aussi la sécurité à laquelle il aspire et le danger dans lequel il se trouve. Il veut également faire passer un message d'engagement dans l'action: s'opposer aux envahisseurs, ici les Allemands. Il veut aussi diffuser un message d'espoir à travers la dernière strophe qui est optimiste: « Je suis né pour te connaître, pour te nommer, Liberté ». C'est pourquoi il a été parachuté dans les maquis, pour redonner espoir aux combattants. C'est un hymne à la vie. |
Ce coeur qui haïssait la guerre
Voilà qu'il bat pour le combat et la bataille !
Ce coeur qui ne battait qu'au rythme des marées, à celui des saisons, à celui des heures du jour et de la nuit, Voilà qu'il se gonfle et qu'il envoie dans les veines un sang brûlant de salpêtre et de haine. Et qu'il mène un tel bruit dans la cervelle que les oreilles en sifflent Et qu'il n'est pas possible que ce bruit ne se répande pas dans la ville et la campagne Comme le son d'une cloche appelant à l'émeute et au combat. Écoutez, je l'entends qui me revient renvoyé par les échos. Mais non, c'est le bruit d'autres coeurs, de millions d'autres coeurs battant comme le mien à travers la France. Ils battent au même rythme pour la même besogne tous ces coeurs, Leur bruit est celui de la mer à l'assaut des falaises Et tout ce sang porte dans des millions de cervelles un même mot d'ordre : Révolte contre Hitler et mort à ses partisans ! Pourtant ce coeur haïssait la guerre et battait au rythme des saisons, Mais un seul mot : Liberté a suffi à réveiller les vieilles colères Et des millions de Francais se préparent dans l'ombre à la besogne que l'aube proche leur imposera. Car ces coeurs qui haïssaient la guerre battaient pour la liberté au rythme même des saisons et des marées, du jour et de la nuit. Robert Desnos |
Ce poème est écrit en prose. Le poète choisit de commencer son écrit par ''cœur'': ce mot a plusieurs sens:
-sens propre: l'organe -sens figuré: siège des sentiments Il utilise d'ailleurs beaucoup de mots caché (à double sens); pour faire comprendre ses idées: sens propre: -cœur qui battait -cœur qui envoie dans les veines. Sens figuré: -cœur qui haïssait la guerre ( qui est aussi une personnification) - ils battent au même rythme pour la même besogne. Il se sert aussi beaucoup d'anaphores avec les mots:'' ce cœur, qu'il, battre, marrée, saison, haïr, liberté.''Mais aussi des allitérations en ''b'' et ''qu'' ainsi que des assonances en ''a''. Dans les vers 5 et 6 il y a une comparaison et dans le vers 10 une métaphore. En écrivant '' Des millions d'autres cœurs, des millions d'autres cervelles'' Robert Desnos inscrit une hyperbole, qui donne une puissance dense qui vient du peuple. En réalité on veut dire que tout le monde doit se lever contre l'oppresseur. Dans ce poème sont transmises des valeurs sur la solidarité entre résistants qui ont le désir de se battre de se rebeller contre l'oppresseur. C'est comme un message qui appelle à l'aide et qui veut réveiller tous ces gens qui ont peur de ce battre. Mais c'est aussi un appel a la liberté |