Ballade de celui qui chanta dans les supplices
Et s'il était à refaire
Je referais ce chemin Une voix monte des fers Et parle des lendemains On dit que dans sa cellule Deux hommes cette nuit-là Lui murmuraient "Capitule De cette vie es-tu las Tu peux vivre tu peux vivre Tu peux vivre comme nous Dis le mot qui te délivre Et tu peux vivre à genoux" Et s'il était à refaire Je referais ce chemin La voix qui monte des fers Parle pour les lendemains Rien qu'un mot la porte cède S'ouvre et tu sors Rien qu'un mot Le bourreau se dépossède Sésame Finis tes maux Rien qu'un mot rien qu'un mensonge Pour transformer ton destin Songe songe songe songe A la douceur des matins Et si c'était à refaire Je referais ce chemin La voix qui monte des fers Parle aux hommes de demain J'ai tout dit ce qu'on peut dire L'exemple du Roi Henri Un cheval pour mon empire Une messe pour Paris Rien à faire Alors qu'ils partent Sur lui retombe son sang C'était son unique carte Périsse cet innocent Et si c'était à refaire Referait-il ce chemin La voix qui monte des fers Dit je le ferai demain Je meurs et France demeure Mon amour et mon refus O mes amis si je meurs Vous saurez pour quoi ce fut Ils sont venus pour le prendre Ils parlent en allemand L'un traduit Veux-tu te rendre Il répète calmement Et si c'était à refaire Je referais ce chemin Sous vos coups chargés de fers Que chantent les lendemains Il chantait lui sous les balles Des mots sanglant est levé D'une seconde rafale Il a fallu l'achever Une autre chanson française A ses lèvres est montée Finissant la Marseillaise Pour toute l'humanitér modifier. Louis Aragon, la Diane française (1948) |
Ce poème est composé de 15 strophes qui sont elles-même des quatrains. Les vers sont des décasyllabes et les rimes sont croisées.
Il y a une anaphore présente dans plusieurs parties du poèmes : " Et si c'était à refaire / Je referais ce chemin" dans les vers 1 et 2, 13 et 14, 25 et 26, et enfin 49 et 50. Le poète a voulu faire parler trois groupes de personnages dans son oeuvre: -Gabriel Peri : pour lui rendre hommage et pour que les lecteurs connaissent sa vison des choses. -Le poète : pour décrire les actions et les sentiments et pour donner un avis extérieur. -Les allemands : pour voir ce qu'ils infligeaient aux prisonniers. Dans le vers 36, il y a un jeu de mot : "Perisse cet innocent" : -Premier sens : le supposé coupable (mais en réalité innocent) va être exécuté. -Deuxième sens : "Perisse ramène au nom Péri qui est donc mit en valeur par le poète pour montrer son innocence. Au début du poème Gabriel Péri est prisonnier des allemands et ces derniers essayent de le faire parler en utilisant la torture et le chantage. Ils lui disent qu'il peut bien avouer puisque d'autres l'ont déjà fait avant lui. Mais le prisonnier ne trahira pas ses amis et de plus il résistera jusqu'a la fin . Au moment de monter jusqu'à son bourreau il va chanter la marseillaise, symbole de la liberté contre les nazis. Aragon rend hommage au courage des résistants en écrivant ce poème. |
Je trahirai demain
Je trahirai demain, pas aujourd'hui
Aujourd'hui, arrachez-moi les ongles Je ne trahirai pas ! Vous ne savez pas le bout de mon courage. moi, je sais. Vous êtes cinq mains dures avec des bagues. Vous avez aux pieds des chaussures avec des clous. ,je trahirai demain. Pas aujourd'hui, Demain. Il me faut la nuit pour me résoudre. Il ne me faut pas moins d'une nuit Pour renier, pour abjurer, pour trahir. Pour renier mes amis, Pour abjurer le pain et le vin, Pour trahir la vie, pour mourir. Je trahirai demain. pas aujourd'hui- La lime est sous le carreau, La lime n'est pas pour le bourreau, La lime n'est pas pour le barreau, Le lime est pour mon poignet. Aujourd'hui, je n'ai rien à dire. Je trahirai demain Marianne Cohn |
L'auteur est en prison quand elle décide d'écrire son œuvre Elle risque donc de se faire torturer. Ce poème est écrit en vers libres et le nombre d'effets de style est limité. Il comporte 6 strophes. Dans ce poème, l'auteur décide d'ajouter cinq anaphores:
- « Je trahirai demain pas aujourd'hui »: v1-9-18 - « il me faut »: v11,12 - « Pour »: v13 jusqu'à 17 - « la lime »: v19 jusqu'à 22 Si les anaphores sont souvent employées c'est pour montrer et affirmer ses idées: Marianne Cohn veut faire comprendre que jamais elle ne renoncera. Les anaphores servent aussi à accentuer tous les sentiments qu'elle a pu ressentir dans ces moments difficiles. La disposition des anaphores n'est pas anodine: en premier elle expose son idée, en second elle veut montrer le prix de cette idée, en troisième elle explique comment elle va mettre en place son idée, en quatrième, ce sont les conséquences qu'elle s'inflige et en cinquième, ce qu'elle préfèrerait au lieu d'oublier ses valeurs et ses idées. L'expression « Je trahirai demain pas aujourd'hui » semble la plus forte. L'auteur sous-entend que peu importe ce que les nazis vont lui faire, peu importe la menace et la torture, rien ne la poussera à dénoncer ses compagnons. En répétant « Je trahirai demain », elle montre qu'elle s'est donnée une limite de temps pour que ses compagnons résistants trouvent une nouvelle cachette, une nouvelle identité... Sa résistance à la torture et son courage sont une forme de solidarité dont elle témoigne pour éviter que ses amis se fassent tuer. |